Koen Geens, le ministre de la Justice, a annoncé sa volonté de faire du règlement collectif de dettes une compétence des justices de paix. Explications.
Un projet en cours de réflexion
A la rentrée 2017, le ministre de la Justice Koen Geens annonçait une prochaine réforme du système d’aide juridique aux personnes les plus démunies. C’est sur ce sujet que le journal quotidien Le Soir lui accordait une entrevue. Cette dernière se clôturait par la question de la suppression des justices de paix. Le ministre a nié cette décision! Et a même annoncé un renforcement de leurs compétences, parlant notamment de règlement collectif de dettes.
En octobre 2017, alors qu’il présentait sa « Court of the Futur », soit sa vision du tribunal du futur. Le ministre a annoncé sa volonté de voir la compétence du règlement collectif de dettes gérée par les juges de paix. Cette compétence était, jusqu’en 2007, gérée par le tribunal des saisies, puis le tribunal du travail.
Le gouvernement, qui s’appuyait alors sur une volonté de préservation de la dignité humaine (concernant notamment le prêt personnel), s’attachait à comprendre les réalités sociales des personnes endettées ne bénéficiant pas d’un regroupement de crédits. Ils avaient recours à des outils adaptés pour le règlement collectif de dettes. Un projet d’informatisation nommé Phenix et censé changer radicalement le système de gestion de la justice. Il avait été envisagé, mais ne vit jamais le jour. De fait, dès 2007, tous les nouveaux dossiers transférés au tribunal du travail.
Outre tenter d’avoir une approche plus sociale concernant ces dossiers. Le but de ce transfert était également d’alléger la charge de travail du tribunal des saisies. Mais en quelques années, le tribunal du travail a lui aussi montré ses limites, notamment en termes d’effectifs pour traiter cette surcharge.
Alors pourquoi aujourd’hui un projet de transfert vers la justice de paix ?
On tente de penser que la mise en place du tribunal de famille a grandement allégé la charge de travail des justices de paix. Et que ces dernières sont donc en mesure d’accueillir le transfert. Néanmoins, elles s’occupent désormais (depuis l’été 2014) d’un contentieux de masse relatif au recouvrement d’impayés divers émanant des fournisseurs d’eau, électricité, le recouvrement de prêt personnel, de regroupement de crédits, etc. Si le transfert se fait, la justice de paix devrait à la fois assurer la protection de l’individu placé sous administration provisoire et la protection des créanciers. Une situation un peu compliquée…
D’un point de vue disponibilité, il est certain qu’il y a plus de juges de paix que de juges de travail et qu’ils pourront mieux se répartir les dossiers. Notamment ceux liés au prêt personnel et au regroupement de crédits qui sont très nombreux. De plus, le ministre affirme que cette volonté de transfert s’associe à un projet d’informatisation de la justice afin de réduire la charge de travail. Cette informatisation, prévue pour 2018 mais sera-t-elle réellement possible ? C’est l’une des questions qui restent en suspens. À savoir, une formation poussée sera nécessaire pour les magistrats et le personnel des greffes pour gérer ce nouvel outil.
Enfin, un problème se présente au niveau de la jurisprudence. Pour ce qui est du règlement collectif de dettes, celle-ci peut varier sur une même juridiction. Il ne faudrait donc pas que ce transfert crée une divergence encore plus importante.
Pas mal d’interrogations…
Finalement, plusieurs questions se posent concernant ce transfert. Une refonte de la loi n’est-elle pas pour l’instant préférable ? Le juge de paix a-t-il réellement le temps de gérer le recouvrement de prêt personnel et regroupement de crédits ? Le délai jusqu’à la mise en place de l’informatisation n’est-il pas trop court aux vues de la formation qu’elle nécessite ?
Tout cela mérite une sérieuse réflexion par tous les acteurs concernés.